" Prenons un mot comme " table ". Quand une femme écrit " table " tout simplement, dans une phrase banale, par exemple " dans la pièce il y avait une table... " on lit cette table comme si elle était servie, nettoyée, utile, cirée, fleurie ou poussiéreuse. Quand un homme écrit : " dans la pièce il y avait une table... " on lit cette table comme si elle était faite de bois ou d'une autre matière, l'oeuvre d'un artisan ou d'un ouvrier, le fruit d'un travail, le lieu où on va s'asseoir pour manger ou pour parler. Ce mot simple vit différemment selon que c'est un homme ou une femme qui l'a écrit. Maintenant prends un mot comme " Liberté " par exemple, la distance entre ce mot dit ou écrit par une femme et dit ou écrit par un homme est vertigineuse. Une femme qui n'est pas une militante déclarée ou une spécialiste de ce genre de questions, quand elle écrit " Liberté ", si elle ne veut pas que cette liberté soit entendue comme la licence, il faut qu'elle précise ce qu'elle veut exprimer par ce mot. Quand un homme écrit " Liberté " il n'a pas besoin de préciser, son mot se comprend immédiatement comme liberté. Le " je veux être libre " d'une femme, n'a pas la grandeur et la beauté du " je veux être libre " d'un homme, elle peut les acquérir mais il faudra que la femme s'explique. Tous les principes et tous les préjugés qui pèsent sur nous se retrouvent dans les mots que nous employons, sans compter que les mêmes principes et les mêmes préjugés nous en interdisent certains. "
Marie CARDINAL - " Autrement dit "
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